Two Keys

« Réserves africaines »

Quand on vous dit que l'on trouve des whiskies partout sur notre belle terre, il faut nous croire sur parole. Cette bouteille, avant même de finir sa vie sur notre sellette, a toute une histoire... N'allez pas vous imaginer que Laurent est allé s'aventurer dans la jungle la plus inextricable, pourchassée par des pygmées anthropophages, en proie aux fièvres, luttant contre mille fauves pour finalement atteindre les Mines du Roi Salomon...

Je ne pourrais douter un seul instant que mon collègue n'ait le courage d'Allan Quatermain mais la manière dont il s'est procuré ce whisky Sud-africain ne saurait receler le romantisme de Mogambo... Acheté au Duty-Free d'un aéroport zambien lors d'une course à l'éclipse qui n'était alors visible pour les amateurs du genre qu'en Afrique Australe, le Two Keys est produit par la E. Snell,corporation nationale fondée par des Huguenots britanniques installés en ex-Rhodésie (Zimbabwé ). Sa composition est à elle seule une invitation au voyage: whisky écossais, spiritueux sud-africain, le tout, assemblé à Hararé.

Sa dégustation elle aussi vous emmènera loin si vous avez la malchance de tremper vos lèvres dans le Two-Keys... un safari à lui tout seul!

Au nez, c'est d'abord la finesse de l'éléphant qui surprend l'ingénu amateur: Alcooleux voire piquant, toute la chaleur de la savane semble s'être faite capturée dans la bouteille.

En bouche, la franchise est de rigueur: le nez n'augurait rien de savoureux et au palais, il tient toutes ses promesses... huileux mais court sur pattes avec une finale au goût d'essence, qui rappelle les fortes probabilités que la bestiole a eu de vieillir en fûts de baobab. Les dernières gouttes au fond de l'estomac, le Two-Keys vous donne un avant-goût du paludisme : bouffées de chaleur, sensation nauséeuse et en fait un retour au calme qui rappelle qu'il n'y a pas de quoi faire des bonds de springbocks pour en reprendre.

Même si la devise de la Snell est "Duo est melior unus" (deux valent mieux qu'une, comme disait mon grand-père, grivois à ses heures et avec une lubricité dans le regard qui faisait toujours hurler ma grand-mère...), l'invitation se décline sans peine : je ne me resservirai pas sous peine, je le crains, de recevoir tout de go un bon coup de banthou !

Naïfs que nous étions : nous fondions de réels espoirs en accueillant le Two Keys dans notre Tour du Monde des whiskies. Notre flair d'impala aurait dû sentir que la mention "...extra fine spirit distilled in south-africa" indiquait qu'il fallût s'en méfier comme de Piek Botha.

Profonde déception, chute d'estime, cataracte gustative... le Zambèze n'est pas loin... On pourra se consoler en pensant que ce blend d'Afrique Australe n'a rien de complètement exécrable et qu'il permet aux locaux de faire leurs Boers...

Toutefois, même si nous savions en notre for intérieur que sa longueur en "Bush" n'allait pas casser 4 pattes à un rhinocéros, nous sommes maintenant persuadés que le Two Keys n'aurait jamais dû sortir de sa ( "Finest" ) Réserve.

Arnaud
Ce soir-là...