Mc Carthy's
Quand le trappeur à l'haleine sauvage finit son périple vers l'Ouest en trempant ses pieds fétides dans l'Océan Pacifique, il arrive une fois sur deux dans l'état verdoyant de l'Oregon.
C'est Laurent qui, au détour d'une tanière d'ours et d'une forêt de Séquoias, a fait l'acquisition de ce Single Malt Made in America pendant un séjour au pays des cow-boys...
Si pour le français moyen l'herbe est toujours plus verte dans le pré d'à côté, les mangeurs de ketchup ont en revanche une propension non dissimulée à considérer, comme Dorothy dans le Magicien d'Oz, que " there is nothing like home " et que le monde entier est peuplé de barbares sanguinaires prêts à fouler aux pieds la Bannière Etoilée et qu'il convient de cultiver d'urgence son jardin (pardon... son champs de maïs !).
Toutefois, dans la sémillante cité portuaire de Portland, rendue célèbre par Kerouac, London et ses fortes précipitations, des âmes éclairées en ont décidé autrement : ce port de pêche a donné naissance à un miracle en bouteille, au milieu des fumeries et conserveries légendaires, hantées par les fantômes des marins ivres de fatigue, de mauvais bourbon et de bière fade, brisés par les turpitudes océanes et le travail de l'amer.
Ce n'était que justice et une initiative de bon aloi de la part de la Clear Creek Distillery de concevoir un Single Malt pour arrondir, à défaut des fins de mois, les papilles des marins de la rade. Toutefois la matière première de ce whisky demeure écossaise : un malt séché et fumé à la tourbe en Ecosse puis introduit en Amérique en défiant toutes les lois de la paranoïa inhérente à la vision du Monde par l'Oncle Sam...
Le résultat est saisissant : un nez d'Islay ! Une fraîcheur que permet son très jeune vieillissement (3 ans à peine), une bouche ronde et pulpeuse comme celle de Liv Tyler, et une finale à la fois fruitée, ample et tourbée. Une petite splendeur que ne manqueront pas d'apprécier les dockers du port en mal de volupté.
De tout temps, l'alcool a toujours été versé à profusion dans la chope des masses laborieuses afin d'y dissoudre toute velléité revendicatrice et ce n'est pas sans surprise (mais aussi par pure coïncidence) que le nom même de ce malt évoque le Ministre Mc Carthy, de sinistre mémoire, inquisiteur en chef, chargé de clouer au piloris tout ce qui de près ou de loin avait l'air, dans les années 50, un tant soit peu progressiste.
Il est à parier que ce whisky n'aura d'autre soucis que de consolider les liens qui fédèrent les ouvriers de Portland et s'il leur vient l'idée de s'écrier un jour : " Travailleurs ! Unissez-vous ", soyez sûr de les retrouver tous au Pub comme un seul homme !
Arnaud
Ce soir-là...