Eddu

S'il y en avait encore parmi vous qui rechignaient à croire que le whisky était une boisson celtique, voici une bouteille pas piquée des druides qui vient dissiper les brumes de vos doutes sur la lande de votre culture éthylique. L'Eddu viendrait garnir un panthéon de la drôlerie du whisky s'il ne s'agissait pas d'une noble réalisation spiritueuse issue de la Distillerie des Menhirs de Plomelin (ça ne s'invente pas...).

L'Eddu ("blé noir" en breton dans le texte) est un whisky élaboré à base de sarrazin, distillé 2 fois et vieilli en fûts de chêne français. La forme rejoint le fond (de la bouteille) dans ce whisky insolite doté d'un flaconnage d'une rare élégance, car la dégustation s'est déroulée, une fois n'est pas coutume, sous les meilleures auspices. Rappelons que récemment, la déception de ne pas tomber sur des whiskies dignes de ce nom s'était muée en une sourde colère nous transformant de facto en véritable Juge Lithuanien du malt : Cette ire légendaire avait chassé toute indulgence de nos séances de « tasting » Nos dernières victimes ne quitteront pas les bouteilles poussiéreuses du bar de Laurent, véritable musée des erreurs du whisky.

Admettons tout de même que, jusqu'ici, les whiskies bretons n'ont généralement pas reçu les marteaux de Taranis de nos jugements. L'Eddu n'aura droit à aucune faveur si ce n'est que nous rendions à Belisama et Toutatis ce qui leur appartient : la grâce d'un whisky original, plaisant au nez, fruité et délicat, à la fois charpenté et subtil au palais avec une finale complexe, sucrée et surprenante. La fée Viviane aurait-elle concocté un philtre propre à requinquer n'importe quel chevalier de la Table Ronde ?

Notons toutefois une intuition partagée par Laurent et moi après un verre d'Eddu trop vite fini à deux : sous les eaux calmes du lac de sa suave apparence, l'Eddu semble dissimuler la puissance grisante d'une lame d'acier qui, telle Excalibur, pourrait vite pourfendre le discernement de l'amateur de whisky pétri de l'envie d'en abuser. Nous en voulons pour témoin les extraits de nos échanges verbaux approximatifs avec Laurent après l'avoir honoré :

– L'Eddu…
– Ah bah oui, çaaaa... l'est plutôt doux !! Il est pas dur ! hinhinhin !!
– Voui, mais au Sarrazin...
– Bah oui, ça rase, hein ?...hinhinhinhinhin !!
– rhohohohohoho !!!

N'en déplaise aux gargouilles cyniques que nous avons pu être jadis à l'égard de certaines fausses couches d'alambics ayant finis en bouteille... et dans nos verres, nous avons pu, grâce à l'élixir des Korrigans de Plomelin que constitue l'Eddu, nous réconcilier avec la gauloise saveur d'un whisky de bonne facture qui nous réconforte de sa celtitude.

Arnaud
Ce soir-là...